Arrêté pour des photos?

Un cégépien affirme avoir été arrêté de façon musclée par des policiers en civil qui portaient un foulard noir masquant leur visage, après une manifestation vendredi dernier à Montréal. Simon Dugrenier soutient qu’il n’a fait que photographier les agents.

Le jeune homme de 18 ans a subi une commotion cérébrale, il a une tendinite à l’épaule gauche, une entorse au poignet gauche et il dit souffrir de stress post-traumatique depuis son arrestation, il y a six jours. Il est accusé d’intimidation envers un officier de la justice en vertu de l’article 423 du Code criminel. Et il a reçu une contravention de 640 $ en vertu du règlement P-6.

Sa voix tremble à l’autre bout du fil quand il raconte sa mésaventure. « Je pensais qu’ils allaient me tuer. J’ai encore peur. Jamais je n’aurais pensé que des policiers pouvaient se comporter comme ça », dit le jeune homme en entrevue au Devoir.

Simon Dugrenier était venu de Sherbrooke pour manifester contre l’austérité avec des amis. La manifestation tirait à sa fin quand il a vu deux hommes qui avaient le visage caché par un foulard, sur le trottoir près du magasin Archambault, rue Sainte-Catherine.

À ce moment, la rumeur se répandait parmi les manifestants : un policier en civil, déguisé en manifestant, venait de sortir son arme en pleine manifestation. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a confirmé cette semaine qu’un agent en civil qui se sentait menacé par la foule a bel et bien sorti son arme pour éloigner les manifestants.

La présence de ces deux personnages masqués — alors qu’il est interdit de se cacher le visage en public, selon le règlement P-6 — a intrigué Simon Dugrenier. Il a traversé la rue, s’est approché d’eux et les a photographiés. Puis, il est parti.

Simon Dugrenier dit alors avoir entendu quelqu’un crier : « J’ai besoin de tes photos. Donne-moi ton téléphone. »

« Les deux gars m’ont rattrapé et ils m’ont plaqué vraiment fort contre une voiture qui était stationnée. Je ne comprenais pas ce qui se passait », dit-il.

Le manifestant dit avoir demandé plusieurs fois aux deux hommes de s’identifier. Il soupçonnait qu’il s’agissait de policiers en civil déguisés en anarchistes. Simon Dugrenier affirme que les deux hommes n’ont jamais dit qu’ils étaient des policiers.

Selon lui, les agents lui ont plutôt lancé : « Shut up, mon osti. Tu ne gagneras jamais contre nous, osti de tapette. »

Selon le manifestant et d’autres témoins, les policiers l’ont traîné vers la rue Berri, en direction sud, puis dans la rue Labelle, près de là. Une équipe du journal The Link, de l’Université Concordia, a suivi le manifestant et les policiers. Ils ont photographié l’arrestation de Simon Dugrenier.

Dans un stationnement, l’étudiant affirme avoir été frappé au ventre et insulté. On lui a frappé la tête contre un mur. Les policiers ont saisi son téléphone. Il ne l’a plus revu.

Simon Dugrenier affirme avoir appris qu’il avait affaire à des agents du SPVM quand deux policières sont venues l’arrêter. Il a été détenu plusieurs heures au poste de police avant d’être relâché.

« J’ai eu peur pour lui »

Sophie Fournier était dans la voiture (une fourgonnette Dodge Caravan verte) contre laquelle les policiers ont plaqué le jeune homme. Elle attendait son fils qui était venu observer la manifestation. Elle affirme avoir vu l’arrestation musclée de Simon Dugrenier.

« Durant une quinzaine de minutes, j’ai regardé ces deux hommes qui portaient des foulards. Je les trouvais bizarres. Je me disais : “Est-ce qu’ils ont le droit d’avoir une cagoule ?” » dit la mère de famille de 55 ans au Devoir.

Mme Fournier dit avoir vu Simon Dugrenier arriver et prendre les deux personnages en photo. « Les gars l’ont garroché sur le hood de mon char. Ils étaient de chaque côté de lui. J’étais sûre qu’ils étaient des faiseurs de trouble qui ne voulaient pas se faire prendre en photo », dit-elle.

« La façon dont ils l’ont garroché sur mon hood, j’ai eu peur pour lui, dit-elle. C’est normal que des agents infiltrent les manifestations. Je n’ai pas de problème avec ça. Mais je suis outrée que la police tabasse un gars qui les prend en photo. »

Sans vouloir entrer dans les détails, le commandant Ian Lafrenière du SPVM assure que le manifestant ne s’est pas fait arrêter pour avoir pris des policiers en photo. « Il est probablement arrivé autre chose », dit-il.

L’officier note que la manifestation était violente. Ce soir-là, des gens ont tiré vers les policiers avec un pistolet à fusée éclairante. Il n’y a eu que huit arrestations, entre autres grâce à la présence d’agents en civil dans la foule, selon lui. C’est pour ça que le SPVM déploie des policiers en civil durant les manifestations : pour calmer les gens plutôt que de faire des arrestations massives, explique Ian Lafrenière.

Le commandant reconnaît que des policiers en civil ont pu se cacher le visage durant la manifestation. « Il est possible que certains aient remonté le foulard dans leur visage », dit-il.

Il est aussi plausible que les policiers en civil aient tardé à révéler leur identité au manifestant : « Si je t’intercepte et que j’ai une interaction avec toi, j’ai l’obligation de m’identifier. Mais si quelqu’un voit une personne en public et pense que c’est un policier, le policier n’a pas à s’identifier. »

Autrement dit, il est possible que les agents en civil aient maîtrisé Simon Dugrenier sans s’identifier. Dans une situation où « ça brasse », la procédure consiste à emmener d’abord la personne dans un endroit calme, explique le commandant.

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