G20 : à Hambourg, la police a été battue

Malgré un déploiement spectaculaire, la police allemande a été mise en échec par les manifestants anti-G20 mobilisés à Hambourg.

Le soir du 7 juillet 2017, pour la deuxième fois d’affilée, environ 20 000 policiers armés des meilleurs technologies de maintien de l’ordre ont complètement perdu le contrôle du centre-ville d’Hambourg. La nuit précédente avait déjà été difficile pour eux, avec des affrontements et des attaques décentralisées se poursuivant après l’aube ; ce 7 juillet, ils ont été obligés de se retirer complètement du quartier de Schanze pendant plusieurs heures, alors que des barricades brûlaient à plusieurs carrefours et que des milliers de personnes de tous horizons fêtaient joyeusement l’existence d’une zone sans police. Le maire, qui a invité le G20 à Hambourg, demande maintenant la fin des violences qu’il a démarrées.

Cela montre que, même avec les technologies dernier cri, on ne peut contrôler une population qui refuse de se laisser dominer. C’est une bonne nouvelle pour les partisans de la liberté du monde entier.
Les forces spéciales déployées dans les rues

Au moment où nous écrivons ces lignes [dans la nuit du 7 au 8 juillet], la police s’est lancée à l’assaut du quartier de Schanze avec une brutalité extrême, braquant ses mitrailleuses en direction des journalistes et de la population, cherchant à se venger sur ceux qui restent dans les rues alors que la plupart des protagonistes sont rentrés se reposer. Les unités des forces spéciales basées à Hambourg et dans cinq autres villes sont déployées dans les rues, avec l’appui des forces spéciales autrichiennes. Mais l’oppression et la violence ne peuvent pas masquer qu’ils ont perdu le contrôle — et qu’ils n’ont jamais été légitimes à exercer ce contrôle.

Les amateurs de complots diront que le G20 a été organisé à Hambourg dans le but de provoquer la population et de justifier de nouveaux assauts sur les libertés publiques. C’est à moitié vrai : en installant le G20 à proximité immédiate d’un des quartiers les plus radicaux d’Allemagne, les autorités ont voulu tester la population et voir ce qu’elle était prête à supporter. Hambourg est un laboratoire expérimental de la répression, que des officiers de police de plusieurs pays de l’Union européenne sont venus étudier.

Mais si nous pouvons empêcher la police d’exercer son contrôle sur nous alors que plus d’un policier allemand sur douze a été déployé dans une seule ville, alors nous pouvons certainement défendre notre liberté vis-à-vis de l’État. Nous ne pouvons plus nous accrocher lâchement à l’illusion qui voudrait que l’État nous laisse exercer nos libertés à condition que nous soyons suffisamment soumis. Aucun peuple n’a jamais obtenu ou conservé sa liberté de cette manière.
Nous avons atteint un point de non retour : le futur passera par la libération révolutionnaire ou par un État policier. La voie moyenne, dans laquelle des libertés limitées sont garanties par un État dont l’action est encadrée par la volonté du peuple, n’a jamais été qu’un mythe, une illusion de plus en plus difficile à maintenir.

Échec de la stratégie policière

Regardons de plus près l’échec de la stratégie policière. En 1987, la police allemande a commencé à évoluer vers son modèle actuel de maintien de l’ordre, afin de répondre aux différentes échecs et débordements qu’elle subissait — notamment le 1er Mai de cette année-là. Le modèle qui s’est développé, composé de longues lignes de policiers anti-émeutes appuyés par des groupes d’intervention rapide très mobiles, en contact rapproché avec la foule, a servi à contrôler les troubles jusqu’à aujourd’hui (pour une étude plus poussée de l’histoire récente du maintien de l’ordre à l’allemande, lire cet article en anglais).

En 2017, trente ans après la naissance de ce modèle, les foules d’Hambourg sont parvenues une fois de plus à déborder et à infliger une défaite à la police. Cette fois, elles y sont parvenues en déployant leur action sur une large zone de la ville, en se déplaçant rapidement et en se concentrant sur des actions décentralisées. A chaque fois que la police établissait une ligne de contrôle, les gens se regroupaient de l’autre côté — pas seulement les manifestants, mais aussi les spectateurs solidaires. De petits groupes mobiles et organisés de manifestants ont été capables d’identifier des issues et de mener des attaques rapides, tandis que de larges foules obligeaient les policiers à étendre leurs lignes dans un sens, puis dans l’autre. Plus la police a eu de territoire à contrôler, plus elle s’est mis à dos la population, et plus elle a eu de manifestants à gérer, alors que ses lignes devenaient de plus en plus fines. Finalement, les policiers ont perdu le contrôle des zones les plus agitées et ont dû battre en retraite complètement.

Au-delà des considérations tactiques, un coup très dur a été porté à la police : ils sont allés trop loin dans le déploiement d’une force brute pour contrôler la population, et ont ainsi perdu toute légitimité aux yeux du public. Leur attaque injustifiée et absurde contre la manifestation « Welcome to Hell » du 6 juillet leur a mis toute la population de la ville à dos. Il n’est donc pas surprenant qu’ils aient perdu le contrôle.

Ils vont certainement reprendre la main, probablement au prix de violences qui s’abattront arbitrairement sur celles et ceux qui restent dans les rues. Mais nous pouvons nous réjouir : ils ont été battus et n’ont pas pu contrôler la population. Et nous devrions nous inspirer du courage exemplaire dont ont fait preuve les gens à Hambourg : ils se sont dressés face à un adversaire extrêmement puissant, et ont refusé d’abdiquer.

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