Un policier de la SQ dans l'embarras après avoir tenu des propos racistes

Le Commissaire à la déontologie policière a entre les mains un enregistrement où l'on entendrait un policier de la Sûreté du Québec (SQ) traiter un Québécois d'origine algérienne d'«estie d'Arabe» et se moquer de son accent, a appris La Presse.

Les insultes racistes auraient été captées par le téléphone cellulaire du citoyen, l'été dernier à Laval, alors que ce dernier était en état d'arrestation pour voies de fait. La Presse a pu visionner des extraits de l'enregistrement. Selon son avocat, il n'a toutefois pas été mis en accusation.

Les allégations sont si graves que la «police des polices» a mis une croix sur la procédure habituelle de conciliation qui s'enclenche normalement après le dépôt d'une plainte. «J'estime nécessaire, dans l'intérêt public, de mettre fin à la procédure de conciliation et, conformément à la loi, décide de tenir une enquête», a écrit le commissaire à la déontologie policière au plaignant. Un raccourci procédural prévu dans la loi, mais rarement utilisé, a expliqué son porte-parole à La Presse.

«Eille, mon estie d'Arabe, checke les lunettes que j'ai dans la face. Sont grosses, hein? Je vois bien en sacrament», aurait crié le policier à Walid Benaouda, qui se trouvait sur le siège arrière de la voiture de patrouille, près de l'intersection des autoroutes 15 Nord et 640. Le policier lui affirme qu'il l'a vu décocher un coup de poing.

«Toi, tu viens d'ailleurs, et là, t'es cool en crisse. Tu connais TVA et tout va bien», a continué le même agent, sur le ton de la moquerie, en tentant d'imiter un accent maghrébin. «J'ai 25 ans et j'ai un avocat de la mafia. Je suis la pègre, y a cool.» Pendant ce temps, M. Benaouda assure avoir agi de façon correcte et reproche au policier son comportement.

Le jeune homme a rapidement déposé une plainte contre le policier. «Ce sont des propos racistes, des propos rabaissants», a affirmé M. Benaouda à La Presse, hier. «Je me suis senti mal à l'aise. Depuis que je suis au Québec, c'est la première fois que ça m'arrivait. Et par un agent de la paix en plus?»

Accusé de fraude

M. Benaouda a été accusé il y a deux semaines de fraude de moins de 5000$ et de vol d'identité. Des accusations d'entrave au travail d'un policier et de voies de fait contre un policier ont aussi été portées. Son avocat assure qu'il n'y a aucun lien entre les deux dossiers.

La SQ a refusé de commenter le dossier précis, «étant donné qu'il y a une enquête du Commissaire à la déontologie policière», a affirmé Guy Lapointe, responsable des communications du corps de police. «Par respect pour cette enquête, et surtout pour ne pas nuire à celle-ci, je ne peux pas vraiment commenter.»

M. Lapointe a toutefois tenu à déclarer que «le profilage racial n'est pas une pratique qui est tolérée à la Sûreté du Québec. C'est sûr qu'une situation comme celle-là, on prend ça très au sérieux».

Un enregistrement qui continue

Le motocycliste de 27 ans a été arrêté après avoir été impliqué dans une confrontation physique avec un autre usager de la route. Les deux individus se sont arrêtés en bordure de route, avant d'appeler tous deux la police.

Dans la vidéo obtenue par La Presse, on peut voir la moto de M. Benaouda et l'automobile de l'autre protagoniste. Le jeune motocycliste s'approche de l'automobile rouge vif. «Qu'est-ce que tu fais à prendre des photos de mon char?», répète l'automobiliste sur un ton agressif avant que la vidéo ne coupe.

Par la suite, dans une autre vidéo, on entendrait le policier au centre du dossier déclarer à Walid Benaouada qu'il est en état d'arrestation pour avoir frappé l'automobiliste. Il se défend en faisant valoir que ce n'est pas lui qui a porté des coups le premier, mais bien l'automobiliste. «Je n'ai rien fait», répète M. Benaouda.

Les extraits vidéo obtenus par La Presse ne montrent pas le coeur de l'altercation.

Selon son avocat, Me Yves Ménard, l'un des deux policiers qui ont arrêté M. Benaouda a ramassé son cellulaire tombé sur le sol. Il ne savait toutefois pas que l'appareil filmait toujours. «Plus tard, M. Benaouda s'est rendu compte que la fonction [enregistrement vidéo était restée active]», a continué l'avocat.

Son client se déclare encore sous le choc de l'humiliation. «Vous avez vu quand il se moque de mon accent?, a-t-il dit. Je ne croyais même pas que j'étais en train de parler à un policier.»

Louise Letarte, porte-parole du Commissaire à la déontologie policière, a refusé de commenter ce cas précis.

Elle a toutefois affirmé qu'il n'est «pas fréquent» qu'une procédure de conciliation soit complètement écartée et que l'on ouvre directement une enquête. «Normalement, on laisse une chance à la conciliation.»

La Loi sur la police prévoit que ce raccourci peut être utilisé lorsqu'un «motif d'intérêt public» est en cause. «C'est sûr que des décès, c'est d'intérêt public. Les blessures graves, les illégalités graves, les récidives. [...] Le profilage racial allégué, on le considère comme d'intérêt public», a expliqué Mme Letarte.

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