Prison ferme pour un policier qui a frappé un marginal

Bavure ou interpellation qui a accidentellement mal tourné ? La justice a tranché vendredi en condamnant un policier de la brigade anticriminalité (BAC) à cinq ans de prison, dont trois ferme, pour avoir violemment matraqué un marginal en 2010 à Chambéry. Les juges du tribunal correctionnel ont montré davantage de sévérité que le parquet qui, le 4 février à l'audience, avait requis seulement deux ans ferme. Selon son avocat, Me Max Joly, le fonctionnaire qui conteste en partie les faits qui lui sont reprochés, a d'ores et déjà interjeté appel.

Le drame s'est noué dans la nuit du 23 au 24 avril 2010 à Chambéry lorsque les policiers interviennent sur une rixe entre jeunes alcoolisés. Malgré sa banalité, l'intervention tourne mal. Selon l'enquête, le policier matraque une première fois Mickaël Verrelle, jeune homme au mode de vie marginal, défavorablement connu des services de police et présentant un taux d'alcool de 3,57 grammes dans le sang au moment des faits.

La victime s'échappe avant d'être rattrapée par le fonctionnaire, qui le frappe à nouveau et le fait tomber. Plongé dans le coma, "mon client (...) a aujourd'hui une infirmité permanente avec un bras qui est mort et une jambe qui traîne", détaille le conseil de Mickaël Verrelle, Me Olivier Cornille. "Il a fallu lui reconstituer la boite crânienne", ajoute l'avocat. Ce n'est pourtant pas quelqu'un d'"agressif", note Me Cornille pour souligner l'usage disproportionné de la force, "un nettoyage", dont a fait preuve le policier. "C'est un miracle que je sois vivant", a confié Mickaël Verrelle, 34 ans, au quotidien Aujourd'hui en France avant le jugement.
Vidéos "accablantes" à l'audience

Ce scénario est contesté par la défense de Pierre Lombard, le policier incriminé. "Il reconnaît l'interpellation et avoir dû employer la force. Il reconnaît également dans la poursuite qui a précédé la chute avoir déstabilisé" Michaël Verrelle mais "son intention était à des années-lumière des conséquences tragiques qui sont survenues", soutient Me Max Joly. "Il ne reconnaît pas les coups de tonfa et a fortiori avoir porté le coup" qui aurait fracturé la boîte crânienne de la victime.

Une version balayée par la projection de vidéos à l'audience : "accablantes" pour le fonctionnaire, selon Me Cornille. "Le tribunal a indiqué que mon client était clairement une victime. Or cela était loin d'être évident. Cela faisait cinq ans que l'on se bagarrait pour le faire reconnaître", relève l'avocat.

Père de famille, la victime, sous tutelle, vit de l'allocation adulte handicapé. "Aujourd'hui mon client ne boit plus, il est sorti de ça", affirme son avocat. "Je respecte les policiers. Ils font leur métier. Ils sont là pour protéger la population mais dans ce cas, il s'agit d'une bavure", soufflait encore la victime à Aujourd'hui en France avant le jugement.

Âgé de 44 ans, le fonctionnaire de la BAC a fait l'objet d'une interdiction d'exercer le métier de policier.

Le jugement du tribunal de Chambéry intervient au lendemain d'une autre affaire de bavure examinée à Bobigny. Dans ce dossier où un policier est accusé d'avoir blessé gravement au visage, d'un tir de flashball, un lycéen de Montreuil (Seine-Saint-Denis) en octobre 2010, et menti pour le faire passer pour un agresseur, le parquet a requis un an de prison avec sursis.