Le SPVM testera les caméras sur les agents

Après Toronto, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) va de l’avant avec son projet pilote en équipant des policiers de caméras corporelles, a confirmé à Métro le nouveau directeur du SPVM, Philippe Pichet.

«Ce projet, non seulement j’y crois, mais c’est un projet qui va prendre forme et qui sera réalisée dans les prochains mois», a affirmé mardi M. Pichet au cours de l’une de ses premières entrevues depuis son assermentation, en août dernier.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, s’était montré favorable, en mai dernier, à l’idée d’équiper les policiers montréalais de caméras, après que des vidéos d’arrestations musclées eurent circulé sur l’internet. Il affirmait alors que le SPVM devait «songer sérieusement» à l’utilisation des caméras pour ses agents.

En mai dernier, la police de Toronto a amorcé un projet pilote d’un an en équipant 100 de ses policiers de ces caméras corporelles.

Du côté de Montréal, impossible de savoir pour le moment combien de policiers porteront ces caméras pendant le projet pilote, ni si elles enregistreront en continu.

«Au moment où on se parle, il y a un comité qui se met en place. Il va falloir déterminer toutes les modalités reliées à ça, comme l’utilisation des images, l’accès à l’information, le nombre de caméras, la façon de faire, et déterminer sur quelles unités on va les essayer», a précisé M. Pichet au sujet de ce projet pilote qui déterminera, par la suite, si le SPVM étend l’utilisation de ces caméras par tous ses policiers.

Celui qui a remplacé l’ancien directeur du SPVM Marc Parent, qui n’a pas souhaité renouveler son mandat, affirme que ce projet pilote se fera en collaboration avec la Fraternité des policiers de Montréal. Selon le SPVM, il s’agit d’un projet chaudement accueilli par les policiers, qui souhaitent qu’on montre «les deux côtés de la médaille du début à la fin».

«Souvent, quand des images nous sont rapportées au service de police – comme en 2012 –, ce sont des images qui sont coupées. Les gens filment, mais nous envoient des extraits. Si on a les images au complet, c’est plus facile de comprendre l’intervention qui a eu lieu», a expliqué M. Pichet.

Le port de caméras corporelles par les policiers aurait également pour effet de diminuer le nombre de plaintes, ajoute le SPVM. Mais le nouveau directeur est très clair sur un point: la présence ou non de caméras ne devrait pas changer le comportement des policiers.

«Aujourd’hui, prenez en compte que vous êtes toujours filmés quand vous faites une intervention, leur dit-il. Que ce soit un citoyen qui filme, la personne que tu interpelles ou alors nous-mêmes qui filmons, on intervient toujours de la même façon professionnelle. Donc, tu ne devrais pas changer ton comportement quand tu sais que tu es filmé.»

«Ce n’est pas interdit de filmer. Ça ne devrait pas être un frein, être une préoccupation de nos policiers. Ça devrait être intégré chez nos policiers qu’ils sont filmés tout le temps.» – Philippe Pichet, nouveau directeur du Service de police de la Ville de Montréal

Faire le grand ménage
Philippe Pichet est bien déterminé à revoir tout le fonctionnement du SPVM pour évaluer si certaines tâches peuvent être modifiées afin d’en retirer des économies.

«Je veux faire une analyse de toutes les fonctions policières de premières lignes et m’assurer que toutes les fonctions qui sont remplies par les policiers nécessitent véritablement une spécialisation policière. Si c’est le cas, le policier va continuer de le faire. Si ce n’est pas le cas, ce sera un employé civil qui pourra remplir ce rôle et les policiers pourront reprendre un rôle spécifique aux policiers», suggère-t-il dans le but de maximiser les ressources du service de police et d’en tirer des économies.

Par exemple, actuellement, les fonctions d’analyste de la criminalité sont assurées par des policiers, qui n’ont que quelques semaines de formation en la matière, ainsi que des civils, qui ont un Baccalauréat sur le sujet. Le SPVM se demandera donc s’il est nécessaire que des policiers assurent cette fonction.

Il estime également qu’il devrait y avoir davantage de groupes comme l’équipe de soutien aux urgences psychosociales, composés d’un policier et d’un intervenant d’un CSSS, pour s’occuper d’interventions auprès de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. «Si la personne n’est pas bien prise en charge, on va revivre la même situation plusieurs fois et on ne va pas éliminer le problème à la source», avance-t-il.

Le pantalon qui «préoccupe»
Philippe Pichet reconnaît qu’il y a actuellement «un contexte de travail particulier [pour les policiers], un contexte moins facilitant», dit-il, en faisant référence aux négociations en cours pour une nouvelle convention collective des policiers et la loi 15 à laquelle les policiers s’opposent.

Il estime toutefois que cela ne change aucunement le travail des policiers sur le terrain, ajoutant du même souffle qu’il sent que les policiers sont fiers d’effectuer «le métier pour lequel ils ont étudié».

Seule chose qui le dérange : le pantalon camouflage que les policiers portent comme moyen de pression contre la loi 15. «Un policier en uniforme, ça dégage une présence policière. Quand l’uniforme n’est pas intégral, parfois, ça n’a pas le même effet. Ce petit bout me préoccupe…», avoue-t-il.

Montréal et le SPVM ont même entrepris des démarches légales dans les derniers mois pour obliger les policiers à revenir à l’uniforme intégral, mais les policiers ont obtenu gain de cause. «Mais ça ne m’a pas empêché de leur en reparler et de leur redemander de revenir à l’uniforme intégral», note M.Pichet qui ne compte pas lâcher prise.

Il laisse entendre que ces pantalons et les moyens de pression ont fait beaucoup jaser dans la population. «Je comprends l’image que peut dégager le service de police par ces policiers qui ne sont pas habillés en uniforme règlementaire. C’est sûr que je vois les images présentées dans les médias», souligne-t-il.

Gestion des manifestations
Et est-ce que l’opinion de la population à l’égard des policiers pourrait avoir changé en raison de la gestion des manifestations, depuis 2012 ? «Non, elle n’a pas changé», répond du tac-o-tac Philippe Pichet.

Le nouveau directeur souligne que, depuis 2012, le SPVM est confronté à «un type de manifestation qui est tellement différent en intensité et en nombre qu’auparavant». «On ne fera jamais des heureux à 100%. Pour certains, on intervient trop tard, pour d’autres, trop vite», reconnait-il, toutefois.

À savoir s’il compte revoir les méthodes de gestion des manifestations, et notamment de dispersement, utilisées par les policiers, M.Pichet précise qu’elles sont constamment en évolution. «En 2012, et jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas une situation où on ne regarde pas comment ça s’est passé et où on n’a pas adapté nos façons de faire. Ce n’est pas vrai qu’on utilise la même façon de faire aujourd’hui qu’il y a trois ans», réplique celui qui compte plus de 24 ans de service au sein du SPVM.

Mais le nouveau chef de police précise du même coup que «le service de police n’a jamais nié le droit de manifester des gens». «Notre préoccupation c’est d’encadrer les manifestations, mais aussi d’assurer la sécurité des citoyens, des manifestants, des automobilistes, des piétons, des commerçants et de nos policiers», tient-il à rappeler.

Et pas question pour M.Pichet que l’un affecte l’autre. «C’est à nous d’évaluer quand est-ce que les droits des uns empiètent sur le droit des autres. Cette ligne est mince, mais la responsabilité nous incombe. On prend les décisions en connaissance de cause et on est conscient que ça ne fait pas toujours l’affaire de tous», admet-il.

«Quand on procède à des manœuvres de dispersion ou d’encerclement, il faut tenir compte que si on ne le fait pas, il peut arriver quelque chose de plus grave. C’est sur cette base-là qu’on prend les décisions.» – Philippe Pichet, nouveau directeur du Service de police de la Ville de Montréal

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