Deux mois ferme pour avoir manifesté ?

Un large mouvement de mobilisation s’organise autour du cas d’un étudiant toulousain condamné à une lourde peine dans le cadre d’une manifestation.

C’est une petite affichette. Du noir, du blanc et un message tout simple : « Pas de prison pour Gaëtan ». On la retrouve en photo, entre les mains de Jean-Luc Mélenchon, de Clémentine Autain, de Philippe Martinez, de Gérard Filoche, mais aussi d’un député argentin, de syndicalistes de São Paulo, de salariés en lutte de Radio France ou encore de Carrefour Market... Depuis le 1er avril, la mobilisation autour du cas de Gaëtan Demay, étudiant toulousain condamné à deux mois de prison ferme dans le cadre d’une manifestation, prend chaque jour plus d’ampleur. Un soutien de taille, à la hauteur de la sévérité ahurissante du verdict.

« Ubuesque accusation »

L’affaire remonte à l’automne. Dans la foulée de l’évacuation de la ZAD de Sivens (Tarn) et du décès du militant Rémi Fraisse, des manifestations sont organisées régulièrement dans la Ville rose pour dénoncer les violences policières. Ce samedi 8 novembre 2014, il n’y a pas d’autorisation préfectorale. Quelques centaines de personnes s’y rendent tout de même. Dont Gaëtan. La présence policière est massive. Deux hélicoptères survolent la ville et chaque intersection est gardée par des CRS et des agents de la brigade anticriminalité (BAC).

Le jeune homme de vingt-quatre ans, en deuxième année d’histoire de l’art et archéologie, militant à Solidaires et au NPA, restera deux heures. Vers 15 h 30, il quitte le cortège, puis traîne avec une copine avant de revenir vers 17 heures sur les lieux du rassemblement. L’ambiance y est tendue. Les gaz lacrymogènes pleuvent. À 18 heures, Gaëtan se dirige vers le métro pour rentrer chez lui, la tête penchée sur un texto. Des policiers de la BAC le dépassent. Un, deux... le troisième lui glisse un petit coup de matraque dans les mollets. « Je lui ai dit de faire attention, il ne sait même pas retourné. » Mais ses collègues, qui arrivaient dans son dos, l’interpellent, le plaquent au sol. Il se fait matraquer. Puis direction le commissariat pour une garde à vue.

Gaëtan ressortira de cette histoire avec des hématomes à la cuisse, dans le dos, une douleur au poignet qui le gênera pour écrire pendant plusieurs jours. Mais aussi une accusation d’« outrage à agent », de « violence » et de « participation à une manifestation interdite ». Selon la version policière, le jeune homme aurait tenté de forcer seul un barrage de CRS, les aurait traiter de « fils de pute » et aurait jeté sur les policiers le panneau des menus d’un kebab sans y parvenir car trop lourd... « Ubuesque comme accusation », peste l’étudiant.

Début décembre, Gaëtan passe devant le tribunal. Il reconnaît la participation à la manifestation mais pas le reste. Verdict : deux mois avec sursis et 1 100 euros d’amende. Lui qui n’a jamais eu maille à partir avec les policiers fait appel. Le 1er avril, il prend le maximum : six mois de prison, dont quatre avec sursis ! Pour Gaëtan, « cette condamnation s’insère dans un contexte toulousain marqué par une escalade répressive et une criminalisation des mouvements sociaux ». Le vaste soutien lui donne de l’espoir : « Il doit au moins servir à défendre le droit fondamental de manifester. »

Soutenu aussi par son université Soutenu par de nombreuses personnalités, Gaëtan l’ait également par le conseil d’administration de son université de Toulouse-Jean-Jaurès. Réuni le 7 avril, il a fait part de sa « vive émotion » et s’interroge « sur la possibilité d’envisager d’autres modalités d’application de peine qui n’entravent pas la poursuite de ses études ». Au total, 54 condamnations ont eu lieu 
lors des manifestations de cet automne à Toulouse.

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