Agression contre Couillard: la police ne peut rien contre un «coucou»

On aura beau mettre en place toutes les mesures de sécurité possible, la police ne peut rien contre un « coucou », un individu qui décide de s'en prendre à une personnalité publique et qui est prêt à en subir les conséquences.

« La plus grande menace qu'on a quand on assure la sécurité d'un homme politique, c'est justement ce genre de "coucou" qui se rend proche de la personnalité, qui fait un geste à la dernière seconde que souvent lui-même n'avait pas prévu », observe Denis Rivest, ex-officier aujourd'hui à la retraite, qui dirigeait l'escouade de sécurité des premiers ministres, de 1999 à 2009.

Dans la foulée des gestes d'Esteban Torres, on se perdait encore en conjectures sur ce qui s'était passé. La police croyait jeudi soir qu'un verre ou une boîte de conserve vide avait été lancé vers le premier ministre Couillard. Des témoins tout près étaient convaincus que l'activiste avait atteint M. Couillard à la joue avec son poing. On n'a pas retrouvé de verre, de boîte de conserve ni même de papier froissé sur le site de l'incident, toutefois.

La Presse a contacté quelques responsables de sécurité des personnalités de la Sûreté du Québec au cours des dernières années. Sous le couvert de l'anonymat, on explique que le premier ministre du Québec est toujours entouré de huit à dix policiers dans ce type d'événements. Seule la moitié d'entre eux restent à proximité et sont facilement identifiables.

UNE VÉRIFICATION DANS LES RÈGLES DE L'ART

Avant de tels événements, une direction du renseignement de la SQ passe systématiquement au peigne fin les déclarations sur les réseaux sociaux des gens dont on a été avisé de la présence, afin de repérer des propos potentiellement violents. Les agents repassent aussi l'« album familial », banque de photos des activistes ou des gens susceptibles de poser des gestes d'éclat dans ce genre de manifestations. Ces mêmes photos sont accessibles aux agents, sur les lieux d'opération, à partir de leurs téléphones intelligents.

Dans l'opération d'hier, tout a été fait selon les règles de l'art. On a remonté le fil des événements à Parthenais, hier, pour constater que la police avait les bonnes informations, que les plans d'opération étaient conformes aux lieux.

M. Couillard et les autres dignitaires qui ont pris la parole étaient entourés de clôtures métalliques qui les isolaient du reste de la foule, assure Jasmin Roy, porte-parole de l'événement. Des policiers se trouvaient à chaque extrémité de la scène. « La présence d'Esteban Torres était connue des attachés politiques de la ministre [de la Justice] Stéphanie Vallée. Ils savaient qu'il allait prendre parole et ils savaient qui il était », affirme M. Roy.

À regarder la vidéo des événements, M. Rivest constate que l'un des gardes du corps de M. Couillard était justement tout près d'Esteban Torres.

Le premier ministre israélien Yitzhak Rabin avait été assassiné dans des circonstances similaires, avec quatre gardes du corps autour de lui. Le président des États-Unis Ronald Reagan et le pape Jean-Paul II ont aussi été victimes d'attentats perpétrés par des individus sans organisation, qui ont profité de l'accès qu'ils avaient eu à une personnalité. « La seule façon d'être sûr qu'une personnalité est en totale sécurité est de la mettre dans une cloche de verre. Or [les hommes et femmes politiques] veulent tous pouvoir se rapprocher des gens », observe M. Rivest.

Il a été évacué vers un restaurant désaffecté qui avait été préalablement réquisitionné par le service de protection du premier ministre, assure Jasmin Roy. « Je présume qu'il a été évacué par la porte arrière du restaurant », note-t-il.

« PAS IDÉAL »

Alexandre Nepveu, spécialiste de la sécurité rapprochée qui a protégé des politiciens lors de campagnes électorales, croit cependant qu'une erreur d'appréciation du danger a été faite par le service de sécurité. « Quelques jours après un appel aux attentats et une attaque menée par un loup solitaire, ce n'est pas idéal que le premier ministre se trouve dans un bain de foule semblable. » Selon lui, les dignitaires auraient dû être davantage isolés de la foule par des clôtures.

« Le problème, c'est que plus on augmente l'importance du dispositif de sécurité, plus on crée de l'inconfort dans la foule, et ça, les politiciens veulent à tout prix l'éviter », constate pour sa part Claude Sarasin, propriétaire de la firme de sécurité Sirco, qui a lui-même travaillé auprès de Jean Charest pendant ses campagnes électorales.

ILS ONT DIT

PHILIPPE COUILLARD

« Si je me retirais totalement de la communauté, je ne pense pas que ce serait utile pour personne, même pas pour moi. J'ai besoin de rencontrer les gens, d'échanger avec la population. [...] Dans tous les événements, il se fait une évaluation du risque, pour évaluer les problèmes éventuels. Parfois, j'ai des recommandations d'assister ou de ne pas assister [à un événement]. Je vais continuer à gouverner de la même façon, on ne gouverne pas dans un bureau, il faut être sur le terrain et voir les gens. »

CHRISTINE ST-PIERRE

« J'ai eu l'impression qu'il avait donné un coup au visage du premier ministre. Ça s'est passé très rapidement, j'étais à côté du premier ministre, j'ai eu un geste pour le protéger, je n'ai pas réfléchi. À un moment donné, c'est assez inquiétant parce que tu te sens poussée dans le dos et tu ne sais pas si c'est la sécurité ou des gens qui te veulent du mal. »

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Corp policier (SPVM, SQ, GRC, agent de la STM, etc): 

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